Histoire des femmes en milieu de travail et pour leurs droits juridiques

Dans la société traditionnelle

Dans cette société, la très grande majorité de la population vit de l'agriculture. Le rôle des femmes est multiple et primordial. 

Au 19e siècle, le travail forestier prend une grande importance et, souvent, les hommes partent au chantier tout l'hiver. Les femmes restent seules à s'occuper de la maisonnée c'est-à-dire des enfants et de tous les travaux d'une ferme. Les épouses d'artisans, quant à elles, partagent le travail de leur mari. On voit, comme dans l'émission des Pays d'En-Haut, le marchand et sa femme qui travaillent dans leur boutique, comme Thodore et Georgiana.

"En réalité, le travail, le labeur est une condition de l’existence. Pour la majorité des gens, le travail est fait par tous, hommes et femmes, dans le cadre de la famille, de la maison" (voir texte de référence plus loin).

Avec l’arrivée de la révolution industrielle

Dès les environs des années 1910, la révolution industrielle déplace l’endroit où se fait le travail. Antérieurement, le travail se faisait surtout sur la terre donc tout le monde travaillait au même endroit à la ferme, sauf pour les hommes parfois en hiver, ils allaient au chantier. La société était essentiellement agricole. Mais à partir de 1890, l’effet de la révolution industrielle se fait sentir et au recensement de 1911 déjà, le Québec est en majorité urbain. 

Les travailleurs et travailleuses doivent sortir pour se rendre à la manufacture, la fabrique, l’usine, le restaurant pour y travailler. Les femmes aussi travaillent à l’extérieur de la maison, elles sont surtout célibataires, mais pas uniquement. En effet, les sœurs Grises de Montréal, entre 1859 et 1900, ouvrent des asiles pour les enfants dans les quartiers ouvriers afin de permettre aux femmes mariées de travailler et d’avoir une rémunération. On mentionne que 2000 enfants y sont accueillis quotidiennement. Pour joindre les deux bouts, elles travaillent à faire des ménages, elles louent des chambres ou alors elles font de la couture en sous-traitance des manufactures.

C’est l’époque du salaire familial. Tous les salaires qui arrivent à la maison que ce soit le salaire des enfants, des femmes et de l’homme va pour la famille. Cela explique pourquoi les enfants quittent l’école pour travailler et apporter un salaire à la maison.

Le salaire des femmes est devenu de plus en plus important et est devenu de plus en plus accepté avec les deux guerres mondiales où, pendant ces périodes avec le manque d’hommes, les femmes ont dû accomplir des travaux antérieurement effectués par des hommes. 

Cette idéologie a amené ces discriminations :

Discrimination occupationnelle : le sexe détermine le type d’emplois qu’ils pourront exercer.

Salariale : Les femmes ont un revenu d’appoint pour la famille alors elles ont un salaire très bas par rapport à un homme qui ferait exactement le même travail.

Extrait d'un texte de Micheline Dumont, historienne: intitulé Depuis que les femmes travaillent
pour le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail

Marie Lacoste Gérin-Lajoie à 48 ans environ
BANQ: P155,S1,SS2,D34,P11

Née le 19 octobre 1867 dans une famille bourgeoise de Montréal, Marie Lacoste consacre une grande partie de sa vie à défendre la cause des femmes. Cofondatrice et présidente de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, (note: cette société jouera, depuis 1907, un rôle très important pour les droits des femmes ainsi que pour le droit de vote) elle réclame l’accès des femmes à l’instruction supérieure et universitaire, la révision du Code civil pour la reconnaissance du statut légal de la femme mariée et le droit de vote des femmes aux élections provinciales. Avec ses revendications avant-gardistes, cette femme audacieuse s’est opposée au pouvoir établi, exclusivement contrôlé par les hommes à l’époque. Nous vous invitons à découvrir les luttes d’une pionnière du féminisme québécois.

Pour plus d'information sur cette grande québécoise, cliquez sur ce lien: Biographie Marie Lacoste Gérin-Lajoie

Les premières luttes féministes

Elles s'attaquent au début surtout pour les emplois dit "féminins" pour tenter d'obtenir l'équité salariale.

  1. Entre autres, pour l'équalité des salaires entre les instituteurs et institutrices et les régimes de retraite.
  2. Réclamer des inspectrices dans les usines où beaucoup de femmes y travaillent.
  3. Former des associations de travailleuses de bureau, de travailleuses de magasins et de manufactures. Marie Gérin-Lajoie était l'instigatrice de ces associations.
  4. Thérèse Casgrain a révélé au public l'exploitation éhonté des institutrices de rang autour des années 1930.

La raison principale mais, souvent fausse, est que le travail de l'homme demande plus de force physique alors il doit être mieux payé. Mais, on rétorquait que bien des emplois ne demandaient pas de force physique comme les journalistes, les animateurs animatrices, comédiens et comédiennes et artistes.

Cette mentalité de toujours maintenir la femme dans un état d'infériorité et de négation de ses capacités humaines et intellectuelles sauf, pour les soins des enfants et du ménage en autant que ce soit l'homme qui en est le chef et qui prend toutes les décisions, provient d'un lointain passé. Ces droits découlant du droit Romain ont été maintenu par la chrétienté même si, les Romains s'en distançaient. Par exemple, l'empereur Constantin (empereur Romain au début du 4e siècle) interdisait la donation, entre vifs et par testaments, ainsi que la vente des enfants naturels, ceux nés d'unions libres. Alors pour les Romains, on ne faisait plus la distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels. Donc à cette époque de l'empire Romain on accordait les mêmes droits aux enfants légitimes et illégitimes. La religion chrétienne a maintenu cette distinction et surtout le patriarcat où l'homme est le seul qui a le pouvoir dans la famille.

 

Les suffragettes, même parmi les femmes, n'étaient pas très populaires au Québec surtout parce que ce mouvement a pris naissance en Angleterre , donc anglo-saxons et protestants, et de la France républicaine et laïque. Il faut dire que parfois, les manifestations pour faire valoir leurs droits utilisaient des moyens un peu étranges et qui n'aidaient pas à la crédibilité de leurs actions. Par exemple: un extrait d'un article du journal La Presse du 6 décembre 1909.

Un jour, pour affirmer leurs droits, elles ont donné une gifle a l'un des descendants de l’illustre Marlborough; puis elles ont brisé
les vitres non des grands magasins mais des petits boutiquiers ; puis elles ont griffé M. Asquith, le premier ministre ; puis elles ont jeté des boules puantes dans la Chambre des Communes ; puis elles ont lâché des hannetons dans l’enceinte législative ; puis elles ont pêché du haut des tribunes, au moyen d'une canne à pèche, la protocolaire, auguste et sacrée perruque du speaker.

Tous ces gestes, éminemment gamins, n’étaient pas de nature a demontrer d'une façon péremptoire qu'elles méritaient de siéger parmi les graves et fidèles gentlemen qui composent la Chambre des Communes de Sa Gracieuse Majesté.

Mais, en temps de révolution, on ne peut vraiment pas exiger de la logique et de la tenue chez les révolutionnaires, surtout quand elles portent jupes, chignons et poudre de riz.

Ces diverses tentatives n'ayant produit aucun résultat, elles ont interverti les rôles, et les bourreaux se sont faits martyres. Elles ont résisté ouvertement aux lois, à toutes les lois, de façon à se faire emprisonner.

On dit aussi pour le coup de cravache à M. Churchill qu’elles auraient mérité la fessée ce qui aurait été tout à fait normal que M. Churchill le fasse mais il est resté impassible.

Elles ont décidé de porter un grand coup. Ce fut un coup de cravache. L'honorable M. Churchill, qui le reçut, fit preuve d'héroïsme en n'appliquant. pas à la dame qui l'outragea si odieusement :"la simple fessée qu’elle méritait. Il a peut-être pensé que cette correction paternelle et décisive aurait un effet concluant,"(commentaire de l'auteur de la chronique et fait voir la mentalité du moins de ce Laurent Bart, un pseudonyme d'ailleurs)" mais il a passé outre, se reposant sur l’opinion publique, même sur l'opinion des femmes anglaises sensées —• il y en a, et beaucoup — pour faire raison de cette démonstration vraiment outrée.

On dit plus loin dans cette chronique, qu’elles ont été emprisonnées pour avoir fait ces outrages à des personnes publiques … hommes bien sur mais en prison elles ont fait la grève de la faim. On les a gavées de force! (note personnelle : c’est incroyable vue avec nos yeux ce que les hommes pouvaient penser des femmes à cette époque. Mais, il est vrai que les gestes qu’elles ont posés ont l’air vraiment enfantin et, à mon avis, n’apportent pas vraiment de crédibilité à leurs revendications.)
Tiré de l'article de La Presse du 6 décembre 1909 dans Chronique de Laurent Bart, page 2

 

Thérèse Casgrain de son vrai nom Marie Thérèse Forget, c'était à l'époque pas si lointaine où le nom du mari faisait disparaître le patronyme de la femme et souvent aussi le prénom ( comme c'est le cas dans la légende d'une photo dans le journal Le Soleil du 3 avril 1941 où elle est identifiée comme Mme Pierre Casgrain). Heureusement, contrairement à beaucoup de femmes elle a gardé son prénom et n'est pas devenue Mme Pierre Casgrain. Elle sera la première femme à être cheffe d'un parti politique au Québec, le CCF (Co-operative Commonwealth Federation) qui s'appellera NPD et qui voulait promouvoir les besoins des ouvriers. Elle a oeuvré aussi pour le vote des femmes ainsi que dans plusieurs comités visant le bien être des populations, pas seulement au Québec ou au Canada.

La lutte pour le droit de vote pour les femmes est le premier combat mené par les "suffragettes", mais, de cette façon, les féministes veulent comme but ultime acquérir des droits juridiques pareils à ceux des hommes. Elles ne veulent plus être considérées juridiquement, une fois mariées, comme des mineures. Cette reconnaissance de leurs droits qui permettra leur émancipation devra attendre en 1964 grâce à Mme Claire Kirkland Casgrain, la première femme à devenir députée à l'Assemblée nationale et la première aussi à devenir ministre dans le cabinet Lesage.

Traçons un bref historique de l'évolution du vote des femmes. Il faut savoir que l'Acte de l'Union donnait le droit de vote aux femmes tant dans le Bas-Canada que dans le Haut-Canada.

Alors que l’Acte d’Union accorde le droit de vote aux femmes, les parlementaires du Bas-Canada avaient manifesté, dès 1834, l’intention d’exclure les femmes de la catégorie des électeurs et Louis-Joseph Papineau appuie cette volonté. En 1849, le droit de vote est retiré aux femmes qui se retrouvent alors privées de droits politiques, comme les autres Canadiennes. 

Le contexte politique n’y est pas du tout favorable à l’émergence du mouvement féministe. L’échec de la rébellion de 1837 a considérablement affaibli la petite bourgeoisie libérale et a permis au clergé de raffermir sa position dans de multiples secteurs : éducation, santé, assistance sociale, culture et information. Mgr Bourget préconise la domination de l’Église sur l’État et la soumission de la société civile à l’Église et au pape.

La lutte pour le droit de vote des femmes reviendra sur le devant de la scène au Canada et au Québec, beaucoup plus tard, menant à l'acquisition du droit de vote aux femmes au fédéral en 1919 et au Québec en 1940 (et la première fois qu'elles votent en 1944), sous le gouvernement libéral d'Adélard Godbout.

Notons pour le vote des femmes au fédéral même que les catholiques conservateurs du Québec étaient favorables. 

"Les milieux catholiques conservateurs ne s’opposent pas en bloc au suffrage féminin. En effet, ils encouragent la participation des femmes québécoises au fédéral, la considérant comme un moyen de compenser les effets néfastes que pourrait avoir pour eux le vote des femmes protestantes à l’échelle pancanadienne, mais ils s’opposent farouchement à leur participation au provincial et font tout pour l’empêcher."

Contrairement aux idées reçues au cours de la Révolution tranquille, le clergé n’est pas la source de tous les mots même en ce domaine. Le clergé comme tous les groupes civils était divisé sur cela. De tous les évêques du Québec (une vingtaine à cette époque) un seul, et non le moindre, était contre, c'est le cardinal Villeneuve. Il allait à l’encontre de l’opinion du pape Benoit XV qui avait approuvé le vote dès 1919.

À l’Assemblée législative, le premier parti à réclamer l’adoption du suffrage féminin est l’Action libérale nationale, dont le programme se réclamait des encycliques du pape Pie XI. Le député indépendant René Chaloult, qui réclamait non seulement le suffrage féminin, mais aussi une modernisation du Code civil québécois pour permettre aux femmes d’administrer leurs propres biens, était une figure très populaire auprès du clergé, et de nombreux prêtres ont favorisé et salué ses victoires électorales.

Lorsqu’Adélard Godbout défend son projet de loi accordant le droit de vote aux femmes à l’Assemblée législative le 5 mars 1940, il reprend presque intégralement les arguments du père Marie-Ludovic, un franciscain qui considérait que la femme doit avoir des droits égaux à ses responsabilités, qui ne sont pas moindres que celles des hommes. Si nous affirmons que l’Église a inspiré les pourfendeurs du suffrage féminin, ne pourrait-on pas affirmer aussi facilement qu’elle a inspiré ses défenseurs ?

Malgré ce qu'en dit l'article de Le Devoir du 29 avril 2015, voyons ici une pétition lancer par le journal l'Action catholique contre le vote des femmes. Ce journal est l'organe de l'archevêché catholique du Québec. Une pétition lancée pour le Comité anti-suffragisme.

La question du suffrage féminin est entrée certainement dans notre vie sociale.

Le parlement fédéral a voulu donner aux femmes non seulement le droit de voter, mais aussi le droit d'éligibilité à toutes les fonctions ouvertes aux hommes.

De plus, certaines provinces, marchant rapidement sur les traces du gouvernement central, ont accordé les mêmes privilèges aux femmes, et leur ont ajouté le libre accès à toutes les carrières, celles qui étaient jusqu'alors réservées aux hommes, telles que la médecine, le droit, le génie civil, etc.

La province de Québec est la seule qui ne se soit pas engagée dans cette voie souverainement malheureuse.

Elle n'a encore violé aucune des saines traditions de bon sens et de christianisme qui ont fait sa force et sa supériorité.

Banq: Journal l'Action Catholique 7 février 1922 page 3

Le 9 février 1922, dans le même journal, on disait:

Nous avons vu de quelle source empoisonnée le mouvement féministe est sorti.

Plus loin.... Il n'en pouvait être autrement, puisqu'un faux principe dans le développement logique de ses applications conduit toujours à des extrêmes d'une absurdité évidente.

Le libre examen qui a érigé la conscience individuelle en unique et suprême règle de foi, ne pouvait pas manquer de pousser la femme vers une émancipation déraisonnée et incompatible avec les devoirs que lui réservent la Providence et les lois de la nature.

Le Soleil dans un article du 10 février 1922 rapporte les discussions lors de la présentation des revendications des femmes à "La Chambre basse" au sujet du vote des femmes. Les femmes, Mlle Idola St-Jean, Mme Gérin-Lajoie, Lady Drummond et Mme Pierre Casgrain (Thérèse Casgrain) ont fait valoir leurs arguments entre autres en montrant combien les femmes ont bien joué leur rôle au Fédéral et, qu'elles ont démontrées qu'elles étaient aussi intelligentes que les hommes.

Le Premier ministre Taschereau leur a répondu entre autres que leurs arguments de bonté et de générosité des femmes ne font pas partie du chemin suivi par les hommes en politique. Que les femmes ont eu droit de vote au fédéral parce que les anglo-saxons, et seulement eux, l'ont accordé en compensation des efforts et du travail que les femmes ont fait pendant la guerre en remplaçant les hommes partis au combat.

À la suite de cette action des femmes de la délégation pour le vote des femmes a suivi une requête de femmes contre le vote des femmes. Ce regroupement de femmes contre le vote, de Québec et celles pour le vote étaient de Montréal.

Cette requête veut être présentée au Lieutenant-gouverneur et au Gouvernement du Québec. Voici quelques points avancés pour soutenir leur point de vue.

Point 1: Si la nature n'interdit pas formellement à la société de concéder à la femme le droit de participer par son suffrage, aux élections politiques, elle lui conseille nettement et fortement, sauf en vue d'un bien d'ordre supérieur, de ne pas accorder ce droit.

Point 2: Guidés par leur esprit chrétien nos ancêtres ont ainsi compris, sans doute, le droit naturel, et ils n'ont pas établi le suffrage féminin...En résumé, respectons nos ancêtres, ils ne peuvent avoir tord (mon résumé de la fin)

Point 3: Il n'y a rien dans le passé qui justifie le suffrage des femmes alors "pourquoi briser avec un passé si plein de sagesse?"

Point 4: Le suffrage féminin pourrait donner le goût aux femmes de participer à la politique et ainsi s'éloigner de leur nature et leur mission.

Peut entraîner des chicanes de couples parce que la femme n'aurait pas la même opinion que le mari.

Point 5: Les hommes et les femmes sont supérieurs à l'autre dans son domaine respectif et ni l'un ni l'autre ne doit y entrer dans le domaine de l'autre.

Résumé de l'article de Le Soleil du 10 février 1922

Une des suffragettes au Québec: Idola St-Jean
BAC: e011180821-v8

Idola Saint-Jean, militante féministe et pionnière de la lutte pour le droit de vote des femmes (née le 19 mai 1880 à Montréal, Québec; décédée le 6 avril 1945 à Montréal). Première Québécoise à se présenter lors d’une élection fédérale, elle milite activement pendant plus de vingt ans pour l’amélioration des droits juridiques des femmes.

Pour la lutte aux droits des femmes: Celle qui fera modifier le Code civil pour permettre aux femmes mariées d'avoir les mêmes droits que les hommes, Mme Claire Kirkland Casgrain. 

Débats à l'Assemblée législative sur le bill 16 pour l'accession à la capacité juridique des femmes, en février 1964.

M. le député Johnson (il s'agit de Daniel Johnson père, qui sera premier ministre après Lesage) rapporte les demandes de l'Association des femmes diplômées des universités (AFDU section Montréal) concernant ce bill (projet de loi à cette époque).

L'Association approuve le but de ce projet de loi, à savoir: la pleine capacité juridique de la femme mariée. Cependant, le projet de loi, tel que présenté, est susceptible d'induire en erreur et demeure en deçà de l'objectif qu'il se propose. « En effet, son efficacité réelle est liée à l'instauration d'un régime matrimonial adéquat et à la correction de plusieurs sections importantes du Code civil telles que la puissance paternelle, la tutelle, les donations, les testaments et le reste. L'A.F.D.U. (l'Association des femmes diplômées des universités) croit donc qu'il est urgent de régler toutes ces questions rapidement et complètement afin de rendre justice aux femmes du Québec et aussi de faire rattraper au Code civil des retards d'un siècle.

Cette intervention de l'AFDU de Montréal demande, compte tenu des liens et des impacts parfois contradictoires avec des articles de ce projet avec le Code civil en matière de Régimes matrimoniaux de sursoir à sa présentation tant que les Régimes matrimoniaux ne seront pas réformés. 

Le député Johnson continue en suggérant de faire en sorte que:

Or, M. le Président, si c'est si bon que ça d'accorder à la femme séparée de biens une parité complète de droit, pourquoi ne pas décréter tout de suite que le régime de droit commun est le régime de séparation de biens? On sait qu'actuellement, quand quelqu'un se marie sans contrat de mariage, eh! bien, le régime c'est le régime de communauté de biens, on sait ça. On pourrait tourner tout simplement la table. On pourrait rendre notre législation conforme celle des autres provinces et dans la plupart des États américains, sinon la totalité, et décréter que le régime qui s'appliquera pour ceux qui n'ont pas de contrat de mariage c'est le régime de séparation de biens. C'est un régime connu, c'est un régime qu'on améliore. C'est un régime au sein duquel on accorde beaucoup plus de droits à la femme en vertu du bill 16. Pourquoi ne pas, du même coup, donner ces grands privilèges ou plutôt la reconnaissance de ces droits essentiels,les donner à un plus grand nombre, c'est-à-dire à toutes les personnes qui auront à se marier, qui se marieront à partir de la sanction de la loi? Ainsi on étendrait d'une façon très efficace la portée du bill 16 pour l'avenir et on n'aurait pas à toucher à aucune disposition des régimes matrimoniaux du Code civil. On n'aurait en somme qu'à élargir le champ d'application des bonnes dispositions que contient le bill 16. Et je crois que de cette façon on donnerait un petit peu plus de bonheur aux protestataires. Et quel est l'homme qui va refuser un peu plus de bonheur à ces femmes qui se sont battues depuis des siècles?

L'intervention de Mme Kirkland-Casgrain venait à la suite de l'intervention du député Johnson qui racontait que même un homme comme Churchill, au début de sa carrière politique, qui balayait brutalement les demandes des suffragettes se voit dans une Assemblée législative, presque à l'unanimité, prête à donner raison à ces femmes et l'Opposition en veut plus. Comme quoi même dans une vie d'homme, il peut y avoir des revirements extraordinaires dans les mentalités.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté, et Mer(credi ma correction) soir et cet après-midi, mes collègues des deux côtés de la Chambre. Je les remercie de l'hommage qu'ils ont rendu à toutes ces femmes et en particulier à mon homonyme, Mme Thérèse Casgrain, toutes ces femmes, dis-je, qui, depuis le début du siècle, ont travaillé à l'émancipation de la femme mariée au Québec. Je les remercie également de toutes les gentillesses qu'ils ont eues à mon égard. Et je voudrais remercier en particulier le chef de l'Opposition ainsi que le député de Brome d'avoir rendu hommage à mon prédécesseur dans le comté de Jacques-Cartier. Puis-je mentionner qu'il est un de ceux qui avaient voté pour l'émancipation politique de la femme lorsque le droit de vote lui a été accordé au Québec. Et, pendant que j'en suis à parler de ma famille, on me permettra également de mentionner l'honorable Perreault-Casgrain, mon beau-père, qui, lui aussi, avait voté en faveur de ce droit pour la femme. Le chef de l'Opposition a mentionné la personne de mon mari et j'aimerais dire ici qu'il est peut-être le premier à avoir laissé mettre en pratique cette nouvelle notion dans le bill 16 de 174, 178 et 179. Parce que, M. le Président, il a compris que je ne lui devais pas obéissance, il a aussi compris que je pouvais me protéger moi-même et je pense que, en son esprit, l'article 174 du Code civil a été depuis longtemps amendé. Je craindrais de prendre indument le temps de la Chambre pour relever individuellement toutes les bonnes paroles qui ont été prononcées à mon égard c'est pourquoi, sans plus tarder, je retournerai au sujet en litige, le bill 16. Le député de Missisquoi a dit qu'il était favorable au principe de la mesure et je ne m'attendais pas à moins de lui, car, en somme, nul ne met en doute la nécessité d'établir la présomption de la capacité juridique de la femme mariée en renversant le principe actuel de l'incapacité. Toutefois, M. le Président, je comprends que certaines associations non rompues aux techniques juridiques ont pu se laisser convaincre par la déclaration de la Ligue des Droits de l'Homme de Montréal. M. le Président, je suis croyablement informée que, dans la plupart des cas, de nombreux membres des exécutifs des associations auxquelles a fait allusion le député de Missisquoi et également le chef de l'Opposition n'avaient même pas été convoqué pour donner leur assentiment à la signature donnée au nom de leur association. D'ailleurs, pour ne prendre qu'un exemple, croyez-vous sincèrement, M. le Président, que les membres des facultés de médecine, de commerce, de droit, de génie, de musique, de pharmacie, de philosophie, de sciences sociales, de chirurgie dentaire et de « nursing » ont pu dans l'espace de dix jours, entre la date du dépôt du bill en Chambre et de celle de la protestation, étudier sérieusement le bill 16 et donner leur assentiment à la déclaration en question.  

 
Extrait des débats de l'Assemblée législative. Troisieme session, 27e législature. Le mercredi 12 février 1964 Vol1, no 22, page 922

 


Mme Claire Kirkland Casgrain
la ministre du Tourisme en 1972
BANQ: E10,S44,SS1,D70-168
Quelques dates importantes pour les droits des femmes

1664

La Nouvelle-France est régie par la Coutume de Paris, son premier code civil, qui instaure le régime de la communauté de biens entre époux. La gestion des biens est confiée au mari en vertu de la puissance maritale et la femme mariée devient inapte juridiquement, sauf la femme marchande. Au décès du mari, la veuve retrouve l’exercice de ses droits juridiques sur la communauté de biens.

1791

L’Acte constitutionnel donne la qualité d’électeur à tous les propriétaires, à partir d’un seuil assez modeste, sans distinction de sexe. Certaines femmes propriétaires ont ainsi le droit de vote et l’exercent.

1833

L’abolition de l’esclavage met un terme à l’exploitation des femmes noires et amérindiennes qui, depuis 1709, servent comme domestiques non payées dans certaines familles du Québec.

1849

Les femmes perdent officiellement le droit de vote par le biais d’une législation du Canada-Uni. Dès 1834, les Patriotes, Louis-Joseph Papineau en tête, se comportent en hommes de leur temps et manifestent le désir de corriger une « anomalie historique » en retirant le droit de vote aux femmes.

1866

Inspiré par le Code Napoléon de 1804, le Code civil du Bas-Canada est promulgué. Il perpétue le principe de l’incapacité juridique de la femme mariée qui figurait déjà dans la Coutume de Paris. Les femmes mariées sont considérées au même titre que les mineurs et les interdits. Elles ne peuvent être tutrices, se défendre ou intenter une action et contracter. Elles ne peuvent disposer de leur salaire. Cette loi agira profondément sur les perceptions et les attitudes.

1869

Dans le but de limiter la transmission du statut d’Indien, le gouvernement du Canada décide de priver de leur statut les Amérindiennes épousant des non-Amérindiens ainsi que leurs descendants. De plus, les Amérindiennes sont exclues du pouvoir politique à l’intérieur de leurs communautés. (Il est à noter ici, que les tributs améridiennes avaient souvent un régime matriarcal et non patriarcal. Cette loi fédérale est d'autant plus injuste et handicapante pour les femmes amérindiennes mais aussi pour le gouvernement des tributs améridiennes. NDRL)

1899

La Loi de l’instruction publique est amendée pour interdire aux femmes de voter aux élections scolaires et de se présenter à un poste de commissaire. Cette loi est en réaction à la tentative d’un groupe de féministes de faire élire une femme au Protestant Board of School Commissioners. Les femmes devront attendre jusqu’en 1942 pour retrouver leurs droits.

1902

Marie Gérin-Lajoie rédige un Traité de droit usuel pour les femmes, ouvrage de vulgarisation du droit civil et constitutionnel. Elle devient la personne-ressource des féministes.

1918

Les femmes obtiennent le droit de vote aux élections fédérales. Au provincial, le droit de vote est accordé aux femmes en 1916 au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, en 1917 en Colombie-Britannique et en Ontario, en 1918 en Nouvelle-Écosse, en 1919 au Nouveau-Brunswick, en 1922 à l’Île-du-Prince-Édouard et en 1925 à Terre-Neuve. (Toutes les provinces sauf le Québec)

1929

Après un long débat juridique et politique, le Conseil privé de Londres décide que les femmes sont des personnes et, par conséquent, qu’elles ont des droits et des privilèges les autorisant, notamment, à se présenter comme membres du Sénat du Canada.

1931

Comme suite au dépôt du rapport de la commission Dorion sur les droits civils des femmes, mise sur pied en 1929, quelques modifications au Code civil sont apportées. Dorénavant, une femme mariée sous le régime de la communauté de biens peut disposer de son salaire. Les femmes mariées sous le régime de la séparation de biens peuvent voter au municipal.

1937

La loi instituant l’assistance aux mères nécessiteuses est adoptée. Pour en bénéficier, il faut faire des démarches souvent humiliantes en donnant, entre autres, des garanties sur sa capacité d’être une bonne mère.

1940

C’est en pleine guerre mondiale que les femmes du Québec obtiennent le droit de vote au provincial (première fois pour le vote des femmes 1944). C’est le fruit de 14 ans d’efforts au cours desquels des féministes se sont rendues chaque année à Québec pour l’exiger. Les femmes propriétaires veuves et célibataires, qui peuvent d’ailleurs voter depuis 1888 lors d’élections municipales, sont admises à exercer une charge municipale.

Godbout et le droit de vote des femmes

Après la victoire de Godbout en 1939, lettres, télégrammes et pétitions affluent de partout au Québec pour lui rappeler sa promesse. Finalement, malgré l’opposition persistante du clergé et des « antisuffragistes », un projet de loi sur le suffrage féminin est présenté en Chambre. Certains éléments du clergé ne l’entendent cependant pas ainsi : le journal L’Action catholique, propriété de l’archevêché de Québec, fait campagne contre le projet de loi. En réaction, le premier ministre Godbout aurait informé le cardinal Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve qu’il démissionnerait de son poste si le clergé ne cessait pas son opposition. Il lui aurait également laissé entendre que son successeur serait Télesphore-Damien Bouchard, un anticlérical notoire. Rapidement, les objections contre le projet de loi disparaissent de L’Action catholique. Le 18 avril 1940, le projet de loi accordant le droit de vote et d’éligibilité aux femmes du Québec est adopté par une majorité de 67 voix contre 9. Il est ratifié le 25 avril par le lieutenant-gouverneur. Les Québécoises votent pour la première fois aux élections provinciales du 8 août 1944, mais il faut attendre en juillet 1947 pour qu’une première femme, Mae O’Connor, se présente devant l’électorat lors d’une élection partielle. On compte 3 candidates aux élections générales de 1952, 7 en 1956, et aucune en 1960. C’est Claire Kirkland-Casgrain qui, élue dans la circonscription de Jacques-Cartier le 14 décembre 1961, devient la première femme de l’histoire à siéger à l’Assemblée législative du Québec

1945

Le gouvernement canadien décide de verser des allocations familiales. Au Québec, c’est au chef de famille qu’il entend les verser. Thérèse Casgrain obtient gain de cause pour que les chèques soient versés aux mères.

1947

Avec l’entrée en vigueur de la Loi sur la citoyenneté canadienne, les Canadiennes qui épousent des non-Canadiens ne perdent plus leur citoyenneté.

1954

La Loi modifiant le Code civil abolit le double standard selon lequel une femme ne peut demander une séparation pour cause d’adultère qu’à la condition que le mari fasse vivre sa concubine dans la résidence familiale. Le mari pouvait, lui, obtenir en tout temps la séparation de sa femme pour cause d’adultère.

1964

La Loi sur la capacité juridique de la femme mariée, pilotée par la députée Marie-Claire Kirkland, est adoptée et met fin à l’incapacité juridique de la femme mariée. Celle-ci n’est plus tenue de présenter la signature de son mari pour effectuer les transactions courantes. Cette législature fait disparaître l’obligation d’obéissance de la femme mariée envers son mari.

1967

La commission Bird sur la situation de la femme au Canada est créée. Elle révèle des données inquiétantes sur la discrimination subie par les femmes et sur leur pauvreté. En 1970, la Commission remet son rapport réclamant l’égalité de droits et de fait.

Le gouvernement du Québec crée son programme d’allocations familiales pour les enfants de moins de 16 ans.

1969

La Loi sur l’aide sociale est adoptée. Cette loi permet à des femmes chefs de famille monoparentale de toucher des prestations sans avoir à se soumettre aux humiliations de l’ancienne loi des mères nécessiteuses.

1970

Le régime légal de la communauté de biens est remplacé par celui de la société d’acquêts, qui combine les avantages de la séparation de biens durant le mariage et de la communauté de biens à la fi n du mariage.

1971

Les femmes obtiennent le droit d’occuper la fonction de jurée à la suite d’une manifestation organisée par le Front de libération des femmes (FLF) au cours du procès du felquiste Paul Rose.

1975

L’Année internationale de la femme est déclarée par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Au Québec, l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne interdit officiellement toute discrimination fondée sur le sexe.

1977

La notion de puissance paternelle disparaît du Code civil et est remplacée par celle d’autorité parentale.

1985

Les femmes autochtones retrouvent, avec l’adoption par le gouvernement canadien de la loi C-31, les droits perdus en 1869. Désormais, les femmes mariées à des Blancs conservent leur statut d’Indienne et peuvent le transmettre à leurs enfants. La Conférence nationale sur la sécurité économique des Québécoises, Décisions 85, a lieu.

1986

La réforme de la Loi sur le divorce entre en vigueur. L’échec du mariage est la seule cause de divorce, éliminant ainsi la notion de faute. Les époux peuvent ensemble demander le divorce. La Loi introduit également de nouvelles règles en matière de soutien alimentaire et de garde d’enfants.

1989

L’Assemblée nationale adopte la Loi favorisant l’égalité économique des époux. Cette loi consacre le mariage comme une association économique et prévoit à la fin du mariage un partage égal entre les époux des biens qui composent le patrimoine familial. Par son jugement sur l’affaire Daigle-Tremblay, la Cour suprême confirme qu’une tierce personne, fut-elle le père présumé, ne peut s’opposer à la décision d’avortement d’une femme.


Marie Lacoste Gérin-Lajoie (1867-1945 )
BANQ:P783,S2,SS9,SSS2,D7,P20

Il y a une contradiction dans les dates de naissance et de mort de Marie Lacoste dans un texte biographique, c'est 1867-1945 et dans le détail de la photo dans BANQ on indique 1890-1971. La photo a été prise en 1911, il semble plus vraisemblable qu'elle ait 21 ans sur cette photo que 44 ans (1867-1911), mais en consultant le blogue dont l'hyperlien est plus bas, entre autres on y fait mention d'un traité de droit dont elle est l'auteur et publié en 1902. Il est donc impossible qu'elle soit née en 1890 et avoir publié cet ouvrage, en autodidacte, à 12 ans.

Après avoir bien regardé dans le détail de la photo, la date de 1890-1971 est plutôt reliée à la période d'existence de la firme de photographie Dupras et Colas.

Autre lien biographique plus spécifiquement pour le "Traité de droit usuel pour les femmes" Marie Gérin-Lacoste


Monument à Ottawa Les femmes sont des personnes (détail)


Monument à Ottawa: Les femmes sont des personnes.

Créé en 2000, ce monument rend hommage aux Célèbres cinq : Irene Parlby, Louise McKinney, Nellie McClung, Emily Murphy et Henrietta Muir Edwards, toutes de l'Alberta.


Monument regroupant des femmes qui ont lutté pour l'émancipation des droits de la femme
ma photo 2015

Ces femmes extraordinaires sont: Idola St-Jean, Marie-Lacoste-Gérin-Lajoie, Thérèse-Forget Casgrain et Marie-Claire Kirkland. Les quatres premières femmes a lutter pour que les droits des femmes soient reconnus et Mme Kirkland a été la première femme élue à l'Assemblée Nationale.